Playback, (seven evening-length performances), Agora Festival, IRCAM, Paris, June 7-13, 1999
Playback, IRCAM production, Lausanne, Switzerland, September
Playback, IRCAM production, Metz, France, March, 2000
Année de composition : 1999
Durée : 90 mn
Information sur la création
Commande : SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques - Action culturelle) et Ircam
Création : 7 juin 1999, Festival Agora, Espace de projection de l'Ircam, Paris, Solistes de l'Ensemble TM+: Vincent David (saxophone), Benoît Gaudelette (percussion), Marc Marder (contrebasse) Saül Dovin, Anja Hempel, Serge Louis-Fernand, Bettina Masson, Pénélope Parrau, Franck Picard (danseurs), chorégraphie: François Raffinot Françoise Michel (lumière), Marie-Hélène Rebois (images), Guilène Lloret (costumes), Massimo Giorgi (assistant à la chorégraphie)
Information sur l'électronique
Informations sur le studio : Réalisée à l'Ircam
Réalisateur en Informatique Musicale : Manuel Poletti
Note de programme
En Play-Back, c'est ce qu'on dit des absents qui jouent ou parlent. Ici, c'est une voix, la voix d'un spectre : celle de Salman Rushdie, qui, enregistré, lit ses textes. C'est à cette «voix d'un poète sans corps» que François Raffinot et ses danseurs prêtent leur corps, le corps muet de la danse. D'une voix sans corps à des corps sans voix, animés par les «intonations» de l'absent : tel était le projet de Scandal Point, un spectacle chorégraphique créé au Festival d'Avignon en 1996. Play-Back s'édifie sur les «ruines» de Scandal Point. Play-Back rejoue la même scène, mais tout autrement. D'abord, parce que le «travail d'archéologie» auquel se livre François Raffinot sur ses propres «vestiges» a, cette fois, pour fil conducteur une partition écrite spécifiquement pour cette création : celle d'Edmund J. Campion, compositeur américain, auteur notamment de Losing touch (pour vibraphone et électronique), une oeuvre qui jouait déjà avec le toucher (du musicien) et sa perte... Pour Play-Back, première collaboration de François Raffinot avec l'Ircam, Edmund J. Campion convoque trois musiciens, à côté des danseurs : un saxophoniste, un contrebassiste et un percussionniste. Trio auquel s'ajoutent l'électronique en temps réel de l'Ircam afin de jouer tantôt sur «l'intimité» du son, tantôt sur sa présence physique par l'amplification des graves. Mais Play-Back rejoue aussi Scandal Point en une «sombre histoire» de corps, les nôtres, «enfermés dans les geôles des réseaux de communication», disparaissant derrière les écrans qui nous entourent. Comme le dit encore Raffinot : «Le corps de Salman Rushdie a malheureusement la grande vertu de décoder notre vision des corps.»
Peter SzendyIntentions des concepteursC'est la sensation d'être en cellule dans nos corps qui m'a poussé à inventer ce poème de l'internement. Quelque chose qui tourne en rond dans un huis clos pétillant, ludique, où malgré tout les corps se croisent, s'éloignent, grondent, se saisissent, s'abandonnent, s'attendrissent, se ressaisissent, mystérieusement incapables de sortir, enfermés au bout du compte avec l'amour et le sexe comme seules échappées. Peu à peu, les corps et les esprits en arrivent à se désirer jusqu'à l'affolement. Quand ils font appel aux autres jusqu'à l'asphyxie, alors la saturation du désir précipite ce mélange. Il faut ramasser les plis, battre les cartes et refaire le tour, en espérant que les temps changent et que la main vous revienne. C'est du corps qui laisse des traces, de ce qui se passe, de ce qui se dit, c'est vraiment le minimum, non, c'est du roman, encore du roman, seule la voix est, bruissant et laissant des traces dont on parlera avec Beckett dans Play-Back... A la limite, ce corps est sans unité, sans organe. Il tourne à vide ou tourne autour d'autres centres, sans désir d'unité, dans la pure poursuite de son éclatement. Il veut seulement laisser des traces, encore Beckett, oui, comme en laisse l'air entre les feuilles, parmi l'herbe, parmi le sable, c'est avec ça qu'elle veut faire une vie, mais c'est bientôt fini, il n'y aura pas de vie, il y aura le silence, l'air qui tremble un instant encore avant de se figer pour toujours, une petite poussière qui tombe un petit moment. La voix de Salman Rushdie s'élève en fin de cycle pour rappeler que cette parole jaillie d'un corps intouchable est endossée par le corps sans voix des danseurs : première raison du titre, Play-Back, comme le mime d'un corps sur la voix d'un autre. La danse est répétée trois fois dans des temps de plus en plus courts. Les motifs chorégraphiques et musicaux sont compressés et repris au final par une captation filmée encore plus rapide : seconde raison du titre, faites vos jeux, rien ne va plus, Play-Back.
François Raffinot
La musique de Play-Back a été inspirée en partie par la voix et les pensées de Salman Rushdie, et par l'expérience du corps des danseurs que j'ai acquise à travers la chorégraphie de François Raffinot. Quel est le son de Play-Back ? Il s'agit du son d'un étrange trio de jazz dans quelque bar jamais visité. Le son d'une main caressant la peau. C'est aussi un trait d'union dans l'acte de collaboration : le son de gens travaillant ensemble de manière constructive. Rushdie dit «la plupart des choses importantes dans nos vies se déroulent en notre absence». Dans Play-Back, l'absence de Rushdie est une personne réelle. Malgré tout ce qui s'est passé, il reste un narrateur, et un défenseur du droit à imaginer et à rêver le monde.